Le concept des 1000 premiers jours de vie
À la fin des années 80, l’épidémiologiste britannique David Barker1 montrait qu’un petit poids de naissance chez un bébé, lié à une sous-nutrition, augmentait le risque de survenue d’infarctus du myocarde à l’âge adulte.
Les chercheurs ont en effet démontré que des changements de l’environnement auxquels se trouvent exposés l’embryon, le fœtus, puis le nouveau-né peuvent augmenter les facteurs de risque vis-à-vis de certaines maladies chroniques (obésité, diabète, hypertension, etc.)2 3. Leurs conclusions sont aujourd’hui regroupées sous le concept de DOHaD (Developmental Origins of Health and Diseases ou « origine développementale de la santé et des maladies »), qui a depuis donné, entre autres, son nom à une société savante francophone regroupant des scientifiques et cliniciens de tout horizon.
Il apparaîtrait ainsi que notre mode de vie est capable de jouer sur le fonctionnement de nos gènes eux-mêmes. Plus encore : lorsqu’une modification survient, elle arrive même parfois à se transmettre aux générations suivantes… Cette découverte complète les théories de la transmission génétique classique mendélienne et la théorie de la sélection darwinienne.
Nous rentrons alors dans le domaine de l’épigénétique, soit l’étude des changements qui affectent l’expression des gènes sans changer leur séquence. Plus simplement, l’épigénétique explique que les stimuli environnementaux positifs (comme une alimentation équilibrée) ou négatifs (comme le stress ou une infection) influencent l’expression de nos gènes, sans modifier la séquence de l’ADN. Pour illustrer un peu plus encore ce phénomène, on peut comparer la génétique au « disque dur » de l’individu et l’épigénétique au « logiciel » qui dicte aux gènes leur comportement.
Comme le souligne Claudine Junien, past-présidente de la SF-DOHaD (la Société Francophone Origines Développementales de la Santé), le concept d’origine développementale de la santé repose sur trois types d’effets étroitement reliés les uns aux autres4 :
- Les effets précoces durant les premiers mois de la vie,
- Les effets à long terme dus à un environnement délétère,
- Et enfin les effets générationnels.
En termes de santé publique, il ne faudrait alors plus seulement se contenter d’agir sur le patient mais il faudrait alors mettre en place une réelle prévention avec des actions ciblant l’individu bien plus tôt afin d’enrayer le cercle vicieux de l’épidémie d’obésité et des maladies chroniques dans leur ensemble.
Il est clair à la lumière de ces explications que les 1000 premiers jours de vie, soit la période de la conception aux deux ans au moins du bébé, est une phase particulièrement importante au cours de laquelle l’alimentation notamment joue un rôle clé tandis que s’établit une susceptibilité accrue à un environnement défavorable augmentant le risque de survenue de nombreuses maladies à l’âge adulte. Cette période serait si décisive que les chercheurs parlent aujourd’hui de « programmation des 1000 jours ».
1 Barker et al., Resource allocation in utero and health in later life. Placenta. 2012; 33. e30-4.
2 Charles MA. L’obésité commence avant le berceau. In Tout prévoir. L’espace DPC. Formation et entretien. Novembre 2013. N°446 obésité et MAC, 2013.
3 Gluckman PD et al. Epigenetic mechanisms that underpin metabolic and cardiovascular diseases. Nature Reviews Endocrinology 5, 401-408. 2009.
4 Attig L, Gabory A, Junien C et al. Early nutrition and epigenetic programming: chasing shadows. Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2010; 13: 284-93